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BâtiFRAIS 2019 : Tribune libre du Professeur Denis Charpin "Qualité de l’air intérieur et fortes chaleurs : les erreurs à éviter"

Tribune libre du Professeur Denis Charpin

Spécialisé en pneumologie et en allergologie depuis une quarantaine d’années, il exerce aujourd’hui au sein de l’Unité de pneumologie du Centre hospitalier de la Timone, qui fait partie de l'AP-HM (Assistance publique des Hôpitaux de Marseille).

 

Qualité de l’air intérieur et fortes chaleurs : les erreurs à éviter

L'été 2018 a connu des températures moyennes supérieures à la normale de 2°C sur l'ensemble de la saison, et des écarts de plus de 10°C la nuit entre Paris et la campagne (à 30 km). Aujourd'hui 4 Français sur 5 vivent dans des villes où, en période estivale, le phénomène d'îlot de chaleur urbain, lié à l'activité humaine et à la « minéralité » et la densité des bâtiments, renforcent considérablement la température ressentie.

Les villes sont déjà en train de se transformer en renforçant la végétalisation ou l'accès aux points d’eau. Certains acteurs immobiliers intègrent plus de protections solaires et de ventilation naturelle dans les nouveaux bâtiments. Ces solutions vertueuses sont néanmoins encore peu développées. Par ailleurs, la majorité des particuliers s'équipent de ventilateurs ou climatiseurs individuels qui augmentent la consommation d'énergie, voire rejettent la chaleur extraite dans l'espace urbain...

La question du rafraîchissement des lieux de vie, objet du colloque BâtiFRAIS, est donc de plus en plus centrale. Il existe cependant quelques bonnes pratiques en cas de fortes chaleurs pour réussir à conserver une bonne qualité de l’air intérieur.

Quels sont les risques pour la Santé des pratiques courantes pour rafraîchir les lieux de vie d’aujourd’hui ?

La plupart du temps l’air est trop humide, surtout dans les régions atlantiques et méditerranéennes. Or cela favorise la présence d’acariens, de moisissures, ou de composés organiques volatils (polluants) issus de nos peintures et de nos meubles.

L’excès d’humidité dans le logement est à l’origine de l’augmentation du nombre d’allergies ou de gênes respiratoires. Les indices les plus visibles sont les moisissures ou la condensation. Les dégâts des eaux mettent beaucoup de temps (plusieurs mois, voire années), par exemple, à résorber l’humidité causée, et les objets de seconde main qui auraient pu subir un dégât des eaux ou fortement mouillés, peuvent également être sources de forte hygrométrie.

Les moisissures dégagent des spores allergènes, mais même sans être allergiques, cela peut gêner tout à chacun via des symptômes irritatifs, des rhinites chroniques, voire déclencher de l’asthme chez les enfants.

Tout système d’aération ou de climatisation requiert vraiment un entretien régulier. Nous constatons souvent la pullulation microbienne et fongique dans les bacs et circuits de ventilation.

Cela est flagrant chez les populations les plus mal logées. Mal isolées, notamment les façades nord, et dotées de chauffages électriques moins chers à poser, mais plus cher à la consommation, ce sont des lieux gorgés d’humidités car, la majorité du temps, les habitants se servent de chauffages d’appoint qui ne réchauffent que l’air à proximité, mais pas les parois. Or l’air humide va se condenser sur la paroi très froide et permettre le développement de moisissures (sans compter le risque de contamination à l’oxyde de carbone).

La vapeur d’eau produite par les humains et leurs activités fait inexorablement monter le taux d’hygrométrie dans les lieux de vie, ce qui libère donc plus de polluants volatils. Les bonnes pratiques résident dans tout ce qui permet de réguler ce taux.

 

Quelles seraient les bonnes pratiques pour conserver la qualité de l’air intérieur ?

La recette idéale est une bonne combinaison entre chauffage, ventilation et isolation. L’équilibre entre ces 3 éléments garantie une bonne qualité de l’air intérieur.

Dernièrement, on entend beaucoup parler de l’isolation, mais travailler uniquement son isolation génère des logements qui respirent moins bien. Donc des travaux d’isolation ne peuvent aller que de paire avec l’amélioration de la ventilation. Aujourd’hui, les bâtiments à basse consommation d’énergie ont besoin de peu de chauffage, mais ils développent en général plus de moisissures car l’air n’y est souvent pas suffisamment renouvelé. Le bois et la brique semblent être des matériaux intéressants pour avoir une bonne isolation et laisser respirer le bâtiment, car ils contiennent eux-même de l’air.

Les constructeurs en ont conscience. La ventilation mécanique contrôlée a d’ailleurs été légiférée car l’air intérieur s’est révélé ne pas y être meilleur que dans les logements qui en sont dépourvus, dû à de mauvaises installations et/ou de mauvais entretiens (filtres et tubulaires pas assez nettoyés et pas d’équilibre à l'installation, ou alors système éteint par les habitants car trop consommateur d’énergie).

Contre les épisodes de canicule et le réchauffement climatique, allier une bonne isolation et une ventilation naturelle (s’inspirant des pratiques du Maghreb par exemple) devrait aider à conserver plus de fraîcheur dans le logement. Les protections et auvents pour abriter le logement des rayons du soleil aux heures les plus chaudes de la journée sont aussi bienvenus, ainsi que réduire les grandes ouvertures.

L’innovation dans le bâtiment ne cesse de progresser, notamment en termes d’isolation, d'étanchéité et de chauffage. De bonnes pratiques individuelles associées à ces nouveautés, nous promettent un confort de vie bien meilleur à l’avenir. La prise de conscience de l’importance d’une bonne qualité de l’air intérieur semble engagée chez les professionnels et les institutionnels, mais les rénovations du bâti existant sont tellement longues, qu’il faut que chacun améliore ses habitudes dans son quotidien pour y parvenir.

 

Programme complet, renseignements et inscriptions : www.batifrais.eu