Téléchargez les actes du Colloque BatiREHAB 2024.
[Edito] - Le 4 octobre 2024, à Marseille, dans l’ancienne école d’architecture de Luminy, les murs vides ont trouvé des échos bien vivants. Ceux de celles et ceux qui, chaque jour, inventent des façons d’habiter autrement, de réhabiliter plutôt que reconstruire, d’agir plutôt que subir. Dans sa conférence inaugurale, l’architecte Nicola Delon a invité les deux cents participants à penser la réhabilitation comme un art de l’équilibre : entre un plafond environnemental qu’on ne peut plus crever, et un plancher social qu’on ne peut plus ignorer. Entre ces deux limites, il devient possible - et urgent – de concevoir des projets ancrés, accessibles, désirables et profondément politiques.
Tout au long des douze ateliers, les retours d’expérience d’opérations livrées et, pour la plupart, instrumentées, ont dévoilé la richesse d’une réhabilitation qui ne se décrète pas, mais se fabrique, sur mesure, sur site, sur le fil.
On a écouté Lucie Niney (NeM Architectes) et Cédric et Sophie Gentil (SOWATT) nous raconter la métamorphose d’une maison agricole à Grasse en lieu de formation pour la Maison Lancôme, en mêlant paille de riz, puits provençal et flexibilité d’usage. L’enjeu ? Composer avec un patrimoine modeste mais porteur de sens, et convaincre que la sobriété peut être désirable.
On a découvert le Mas Larrier, à Manduel, transformé en pôle multiactivités grâce à Nicolas Crégut et Gabrielle Raynal (DOMENE scop). Un projet ambitieux dans ses fondations : réemploi massif, géothermie, matériaux biosourcés et attention fine au contexte agricole et au bâti existant. Un chantier mené main dans la main avec les artisans, dans un esprit de transmission autant que de transformation.
À Arles, Jérôme Espitalier (BC Architects) nous a entraînés dans la reconversion, par la Fondation LUMA, d’une clinique des années 1950 en résidence étudiante, démonstrateur d’un savoir-faire local dans l’usage de bottes de paille sanglées dans une structure en bois et d’un « hot mix » source d’écrire pour l’architecture de demain. Une expérience structurante, technique et politique, qui fait évoluer les règles professionnelles.
Et puis, l’architecte Michel Benaïm nous a présenté les choix techniques à l’œuvre dans la surélévation de la Poste Wilson à Nice, entre patrimoine figé, contraintes sismiques et innovation en structure bois. Ou encore Erilia, avec la rénovation des logis de Brunet à La Ciotat, où le bailleur s’interroge et propose des solutions : comment emporter la plus grande adhésion des locataires dans la stratégie de massification engagée ?
Le directeur technique de Bellevilles, Mathieu Margoux, l’architecte Minh Man Nguyen (WAO) et Laurent Dandres (APAVE) ont porté un regard pointu sur les défis relevés par la réhabilitation de l’ îlot Prudhon à Ivry-sur-Seine entre les ambitions portées par les acteurs publics désireux d’un changement de destination à vocation mixte, avec un chantier en ITE paille, et la maîtrise du coût de mise en œuvre dans les bâtiments issus d’anciennes friches. La réhabilitation y devient un exercice d’équilibriste, entre préservation, mise aux normes, adaptation climatique et justice sociale.
Les écoles ont elles aussi donné matière à penser, entre ambition écologique, sobriété budgétaire et qualité d’usage. À l’école Joseph-Delteil, à Grabels, la ventilation naturelle et la gestion fine des apports solaires ont permis de répondre au défi du confort d’été. À l’école Jean-Moulin de Miramas, le chantier a démontré l’intérêt de la surélévation pour ouvrir des classes, et un travail collaboratif étroit entre équipe de maîtrise d’œuvre, collectivité et enseignants. Quant à l’école du Vieux-Bourg à Cagnes-sur-Mer, sa transformation a été pensée comme un acte de réparation patrimoniale et sociale à l’échelle du quartier.
Tous ces récits convergent vers une même conviction : réhabiliter, ce n’est pas seulement améliorer un DPE, c’est tisser du lien, raviver des usages, négocier chaque geste avec le vivant, l’existant, l’humain.

La table-ronde « ITE paille : état de l’art et perspective pour la rénovation » a prolongé cet élan. Peut-on massifier sans normaliser ? Comment financer l’exceptionnel sans le diluer ? Quels outils pour libérer plutôt que contraindre ? Les réponses ne sont pas figées, mais une chose est sûre : ce sont les pratiques du terrain qui tracent les pistes.
Ces actes sont une caisse de résonance. Celle d’une profession qui doute parfois, mais qui avance ensemble. Celle d’une transition qui se joue là, dans les détails concrets d’un chantier à Grasse, d’un diagnostic à Arles, d’un permis à Nice.
Réhabiliter, c’est résister à l’oubli. C’est croire qu’un mur ancien peut encore accueillir des vies neuves. C’est refuser la table rase, et préférer le trait d’union.
EnvirobatBDM
Ce colloque s'est tenu grâce au financement de l'ADEME, avec le relais de nos partenaires l'AR-HLM PACA & Corse, l'Etablissement public foncier PACA, le Geres et l'Ordre des architectes de Provence-Alpes-Côte d'Azur.